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Tennis : Maria Sharapova soigne son retour

>Le Parisien>Magazine>Grand angle|Carole Bouchard|14 avril 2017, 15h54 | MAJ : 15 avril 2017, 9h0

Maria Sharapova a posé pour nous à Palm Springs, près de Los Angeles, début 2017.Roman Cho

LE PARISIEN MAGAZINE. Suspendue quinze mois pour dopage, Maria Sharapova reprend la compétition fin avril, avec Roland-Garros en ligne de mire. L’ex-numéro 1 mondiale du tennis parle pour la première fois en France depuis sa sanction.

Maria Sharapova revient. Elle avait été suspendue en mars 2016 pour un contrôle positif au Meldonium, qui venait tout juste d’être interdit pour les sportifs de haut niveau. Maria Sharapova avait recours à cette substance depuis 2006 pour traiter un déficit en magnésium, une arythmie cardiaque et pour prévenir un terrain génétique propice au diabète. Aujourd’hui, la Russe a purgé sa peine de quinze mois de suspension (elle a été contrôlée positive le 26 janvier 2016). De retour à la compétition à Stuttgart (Allemagne), tournoi qui commence le 24 avril prochain, la star de bientôt 30 ans entend bien se hisser à son niveau d’antan. Née à Nyagan, en Sibérie, un an après que ses parents ont fui Gomel (Biélorussie) –zone contaminée par la catastrophe nucléaire de Tchernobyl –, elle réside aux Etats-Unis depuis 1994.

Alors âgée de 7 ans, elle fait ses premiers pas à l’académie Bollettieri, en Floride, son père multipliant les petits boulots pour subvenir aux besoins de la famille. La gloire lui tend les bras à 17 ans, en 2004, quand elle remporte Wimbledon. Avant d’ajouter à son palmarès l’US Open, en 2006, l’Open d’Australie, en 2008, et Roland- Garros, en 2012 et 2014. Aujourd’hui installée à Los Angeles, l’ancienne numéro 1 mondiale a préparé son come-back en Californie. Dans le jardin de l’hôtel Parker, à Palm Springs, où elle nous reçoit en mars à l’heure du déjeuner, nous la retrouvons souriante, du haut de son 1,88mètre, drôle, sûre d’elle et physiquement très affûtée. Bas et haut de survêtement noirs, veste dentelée, ses longs cheveux blonds coiffés en chignon, elle profite du soleil en buvant un verre d’eau citronnée et se confie, sans contrition.

Elle se dit prête, mais elle sait que le chemin sera long

«Masha» – le diminutif de Maria, en Russie – estime avoir suffisamment payé pour son « erreur », qu’elle a reconnue sitôt son contrôle positif révélé. Aujourd’hui, elle brandit le jugement du tribunal arbitral du sport (TAS) à ceux qui l’accusaient de dopage: n’a-t-il pas ramené sa peine de vingt-quatre à quinze mois de suspension? N’a-t-il pas précisé qu’elle était coupable « d’une violation du code antidopage », mais « sans faute significative », autrement dit sans intention de tricher? Maria Sharapova veut désormais tourner la page. Elle espère obtenir une invitation (une wild-card) pour le tournoi de Roland-Garros, qui débute le 22 mai à Paris. C’est le seul moyen pour elle d’y participer. A cette fin, elle a rencontré Bernard Giudicelli, le président de la Fédération française de tennis, en marge du tournoi d’Indian Wells, aux Etats-Unis, en mars dernier. Elle se dit prête, mais elle sait que le chemin sera long et difficile. En 2008, déjà, victime d’une grave blessure à l’épaule droite, elle avait dû subir une lourde opération, sans garantie de succès. Il lui avait fallu trois ans pour retrouver son jeu et atteindre à nouveau les demi-finales d’un tournoi du Grand Chelem. Maria Sharapova est une warrior, une battante. Elle aime gagner, faire rêver. Et monnayer tout cela. Icône de mode, businesswoman, adulée dans le monde entier, elle a un blason à redorer. Afin de prouver que Maria est toujours Maria.

Détendue, la championne et femme d’affaires retrouve le circuit WTA pour gagner des titres. Roman Cho

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Etes-vous prête à reprendre la compétition, fin avril, au tournoi de Stuttgart ?

Maria Sharapova C’est fantastique d’avoir de nouveau un but lié à la compétition, de retrouver cet environnement. Pendant un an, je me suis fixé pour seul objectif de rester forte physiquement, pour que cela me rende plus forte mentalement. Je n’ai jamais autant apprécié le fitness ! Avant ma suspension, je demandais à prendre une raquette et à faire des points au bout de cinq minutes d’exercice (rire) !

Vous êtes restée très active au cours de votre suspension. Etait-ce pour ne pas vous morfondre ?

Sven Groeneveld, mon entraîneur, m’a dit : « Si tu passes ton temps à cogiter, ce sera trop frustrant et tu vas vouloir rester assise à la maison. » Mais j’avais besoin de faire travailler mon cerveau. Je suis retournée sur les bancs de l’école pendant l’été, et j’ai effectué des stages chez Nike, à la NBA et dans une agence de publicité à Londres. Mon staff voulait être sûr que je gardais la forme, alors mon préparateur physique m’a envoyé une balance, une de celles qui mesurent votre masse graisseuse! L’horreur (elle est hilare) ! Chaque matin, je suis montée sur ce truc, j’ai pris une photo et la lui ai envoyée.

Vous étiez aussi très présente sur les réseaux sociaux...

Je n’ai rien à cacher. Je suis toujours la même, je défends toujours les mêmes principes. Ce qui a changé, c’est ma compréhension de ce que je représente pour les gens. Tellement de gens m’ont dit que j’étais courageuse et qu’ils avaient hâte de me revoir sur les courts. Cela m’a vraiment touchée. Avant, je pense que je ne voulais pas de cette responsabilité, je ne voulais pas être un exemple.

Cette vie sans tennis vous a-t-elle fait peur ?

Oui, parfois, car je ne savais pas ce que j’allais ressentir sans ce job que j’exerce depuis que je suis enfant, et qu’on m’enlevait d’un coup. Cela avait déjà été très dur au moment de mon opération à l’épaule droite, en 2008. Ma carrière était menacée. Je craignais alors que ce soit fini pour toujours. J’ai gardé une conviction de cette période: dans les moments difficiles, on construit beaucoup de force intérieure, même sans s’en rendre compte, et arrive un autre moment dans la vie où cela vient vous sauver. Cette fois, être éloignée des courts m’a donné confiance: je sais désormais que ma vie se passera bien hors du monde du tennis.

Psychologiquement, votre suspension a dû être un choc...

Il y a eu beaucoup de hauts et de bas, c’est sûr. Pendant les cinq ou six premiers mois, j’avais l’impression de passer tout mon temps avec les avocats. C’était dur à vivre. Je ne suis pas patiente. Et je ne contrôlais rien. Je ne voulais savoir qu’une chose: quand pourrais-je jouer à nouveau ? Je me battais pour avoir une réponse le plus vite possible même si, dès le début, mes avocats m’ont dit que ça finirait au Tribunal arbitral du sport (TAS), que je ne rejouerais pas avant un an minimum. J’ai eu du mal à l’accepter.

 

Le 9 juin 2012, elle remporte son premier Roland-Garros. Lahalle/Presse Sports, Presse Sports

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Avez-vous pensé prendre votre retraite ? 

Je n’ai jamais imaginé que qui que ce soit allait m’empêcher de finir ma carrière comme je le voulais! Oui, j’allais rejouer. Mais je suis passée par plusieurs phases. Les deux premiers mois, j’ai été gênée par une blessure au poignet gauche plus sérieuse que prévu. Quelle que soit ma sanction, je n’allais donc pas pouvoir reprendre la compétition. Ça m’a aidée de me dire que je n’étais pas apte physiquement. Je passais quand même beaucoup de temps sur le court à m’entraîner, et quand je joue, je ne pense à rien d’autre. Cela a été comme une thérapie chaque jour.

Avez-vous pensé qu’on vous avait sanctionnée pour l’exemple, dans le cadre de la lutte antidopage ?

Evidemment que j’y ai pensé ! Mais je ne peux pas dire qu’on a fait de mon cas un exemple, parce que je ne sais pas. Et je ne veux toujours pas y croire. Est-ce qu’on connaîtra un jour la vérité là-dessus ? Non. C’est comme ça... Si je commence par les « et si », « peut-être », « comment », ce sera sans doute beaucoup plus difficile à vivre. Il faut juste tourner la page.

Comment avez-vous vécu d’être considérée comme une tricheuse ?

J’ai affronté les médias très souvent dans ma vie et ce, depuis que je suis très jeune. Donc, comme d’habitude, ma première réaction a été de me protéger. Cela ne m’a jamais touchée que l’on me critique ou que l’on me juge sévèrement. Affronter les mots, les opinions des autres... Tout ça n’est qu’un moment à passer. Ça va faire les gros titres, les gens vont en parler, et après ? Ce n’est pas la vie. Ce que j’ai traversé, ça, c’était la vie ! Et ça m’a demandé beaucoup de tripes et de détermination pour m’en sortir. Finalement, mes actions comptent plus que ces mots.

Même ceux très durs prononcés par les autres joueuses et joueurs à votre encontre ? 

Quand mon cas n’était pas clair, qu’on était encore un peu dans l’inconnu, tout le monde avait le droit de me juger. Mais maintenant que je suis passée par le Tribunal arbitral du sport, qui est neutre, maintenant qu’il y a les paragraphes 100 et 101 (dans lesquels les juges relèvent qu’elle n’a pas eu l’intention de tricher, NDLR), je dis stop. Si des joueurs continuent, malgré cela, à médire de moi, alors ce n’est pas correct.

« Tricheuse », « dopée »: les mots sont forts. Ça a quand même dû vous toucher...

Il y a eu des jours où cela m’a agacée. Mais j’étais surtout triste de la situation, car j’aurais pu l’éviter. C’est plus facile de s’attaquer à quelqu’un qui est à terre qu’à une personne au top. Je n’ai jamais eu envie de partir me cacher dans un coin en attendant que ça passe. J’ai travaillé trop dur, sacrifié bien trop de choses à ce sport.

 

Le 7 mars 2016, à Los Angeles, la Russe annonce devant la presse qu’elle a fait l’objet d’un contrôle antidopage positif, deux mois auparavant. J. Kalin-Oncea/USA Today Sport/Presse Sports

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Certaines de vos rivales ont dit que cette affaire discréditait tout ce que vous aviez accompli...

C’est stupide, ridicule, vraiment! Ça ne correspond pas aux faits qui ont été présentés. Mais si ça les aide à se sentir mieux... Je ne réussirai pas à les faire changer d’avis, alors je ne vais pas perdre mon temps à essayer.

On dit que Svetlana Kuznetsova, Rafael Nadal, Grigor Dimitrov ou Novak Djokovic font partie de ceux qui vous ont soutenue...

Oui, tous ceux que vous citez l’ont fait.

Vous avez toujours dit ne pas être sur le circuit pour vous faire des amis. On risque de vous le faire payer dans le vestiaire, non ?

C’est une question d’honnêteté. J’ai suffisamment d’amis dans ma vie. Jouer en tournoi, c’est aller au bureau. Mon objectif, c’est d’être professionnelle, faire mon job et être respectée. Ce n’est pas de parler avec les filles de leur nouvelle voiture, de leur virée shopping ou de leur nouveau mec. Tout ça, je l’ai avec mes amis. Je pointe à l’heure, je viens aux interviews et je suis vraie. C’est le mieux que je puisse faire.

Vous êtes invitée aux tournois de Stuttgart, Madrid et Rome, et espérez l’être à Roland-Garros, seul moyen pour vous aujourd’hui d’y participer. Que répondez-vous à ceux qui s’en offusquent? Certains pensent que vous devriez mériter votre retour...

Mais quoi qu’il arrive, je vais devoir mériter mon retour ! Je n’ai plus de classement. Je repars du bas de l’échelle. Invitation ou pas, je vais devoir travailler pour remonter. Stuttgart aurait affiché complet sans Maria Sharapova car c’est l’un des meilleurs tournois au monde. Après, est-ce bien d’avoir mon nom dans le tableau alors que je suis ambassadrice sous contrat avec Porsche (le sponsor majeur du tournoi de Stuttgart, NDLR) ? Assurément. Mais Madrid et Rome ont tous les meilleurs joueurs et joueuses du monde et ils se portent bien sans moi. Les organisateurs de ces tournois m’invitent parce qu’ils me connaissent et me respectent.

Bernard Giudicelli, le président de la FFT, dit que cela donnerait un mauvais exemple de vous inviter à Roland-Garros, malgré vos deux titres...

Je comprends qu’il y a un nouveau président à la Fédération française de tennis. J’ai fait une erreur, mais ma punition, c’était cette suspension: j’ai purgé ma peine, donc pourquoi s’acharner ? Y a-t-il une raison de continuer à me punir ? Moi, je n’en vois pas. Surtout si on lit la décision du Tribunal arbitral du sport : après les paragraphes 100 et 101, il reste quoi ?

Parmi les leçons à tirer, avez-vous changé votre système médical ?

Oui, désormais j’ai un docteur à plein temps, quelqu’un qui va suivre toutes mes blessures, mes IRM, mes prises de sang, l’antidopage. Ma plus grande erreur a été d’échanger un docteur contre un nutritionniste. C’est risible quand on y pense : la personne qui se fait suspendre n’avait même pas de médecin, mais un nutritionniste (rire) !

Avez-vous été soulagée de ne pas voir votre business s’effondrer ?

J’avais tellement d’autres choses à affronter, dont le fait de peut-être ne plus jamais pouvoir jouer, qu’au début, ça n’était pas le plus important. Les marques avec lesquelles je travaille me suivent depuis dix ans: elles savent qui je suis vraiment. Je n’ai jamais douté de ces gens.

 

Grâce à ses sponsors, l’ex-numéro un mondiale était la sportive la mieux payée au monde. Roman Cho

Mais votre image a été écornée. Pouvez-vous la reconstruire ?

Je ne me souviens pas avoir une seule fois choisi la solution de facilité pour me sortir des problèmes. Ce n’est pas comme ça qu’on m’a élevée. Tout ce que j’ai eu, j’ai travaillé pour l’obtenir, chaque titre, chaque réseau, chaque dollar. Rien ne m’a été apporté sur un plateau.

Finalement, comment imaginez-vous votre retour ?

Quand on a été une championne, le redevenir est le seul objectif. Mais ce sera difficile après une si longue absence. J’ai choisi de me mettre en danger en enchaînant les tournois de Stuttgart, Madrid et Rome. J’ai toujours cette impression que je suis une artiste, une performer: le court, c’est ma scène. Je marche depuis le vestiaire dans le couloir ou le tunnel, ils lèvent le rideau et voilà. Moi, face à une autre personne. J’adore ça et c’est à ça que je pense. Ce que je ressens quand je joue au tennis, cette envie de m’améliorer, de redevenir une championne, voilà ce qui me porte aujourd’hui encore.

Ses sponsors lui sont restés fidèles

Elle est celle qui a fait rimer performance et élégance. Longue liane blonde à la beauté polaire, Maria Sharapova n’a certes pas introduit le glamour sur les courts de tennis. Mais, contrairement à sa compatriote Anna Kournikova, dont la réussite sportive (moindre) a été éclipsée par son goût pour les paillettes, elle n’a eu de cesse de briller sur les courts comme sur le tapis rouge. Femme d’affaires avisée, elle a monnayé son image auprès de partenaires (les montres Tag Heuer, Nike, Evian, Porsche, les raquettes Head et les cosmétiques Supergoop!) qui lui sont restés fidèles après la décision du Tribunal arbitral du sport, malgré sa suspension. En mars 2016, le magazine américain Forbes estimait qu’elle avait empoché près de 300 millions de dollars depuis le début de sa carrière, dont « seulement » 36 pour ses gains en tournois ! En août 2015, pour la onzième année de suite, elle était l’athlète féminine la plus riche de la planète. « La Reine Maria » a même créé, en 2012, les bonbons Sugarpova (photo). Un succès : plus de 5 millions de paquets ont été vendus dans une trentaine de pays (estimation 2015). Pour promouvoir sa marque, elle avait même envisagé de se rebaptiser « Maria Sugarpova ».

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